Bienvenue sur ce blog!

Ce blog est né du désir de mieux faire connaître la profession d'orthophoniste. Merci de votre passage !

mardi 13 décembre 2011

Il s'engage sur le petit chemin


Bref.
Il s’engage sur le petit chemin. Les cailloux crissent sous ses roues. Il adore ce bruit. Des souvenirs d’enfance. Le bruit des cailloux sous les roues, l’odeur du pain grillé, la petite rivière en bas du jardin. C’est un tout. Qui rime avec bonheur.

L’enfance est loin désormais. Il n’en regrette rien. Il en a bien profité. Maintenant il profite d’autre chose. La nostalgie l’emmerde à cent sous de l’heure. Mais il aime toujours autant cet endroit. Il coupe le moteur. Il jette son chewing-gum. Elle n’aime pas ça. Il se recoiffe dans le rétro. C’est sans doute idiot. Il aime être présentable quand il va la voir. Elle mérite bien ça.

Il tourne la clé dans la serrure. Il a un trousseau, maintenant. C’est le médecin qui l’a conseillé. Cette fameuse fois où elle n’ouvrait plus. Où tout le monde avait eu peur. Où les pompiers étaient venus. Elle n’avait rien. Elle pensait que les gens qui frappaient à la porte étaient des voleurs. Elle s’était retranchée dans sa chambre.

Il ouvre et il lance :
- Bonjour Mamé, c’est Antoine !
Il entend des pas mal assurés. Elle arrive. Il est 14h00. Elle est en robe de chambre.
- Antoine ! C’est gentil de venir me voir ! Mais pourquoi aussi tôt ? Je n’ai pas encore pris mon petit déjeuner.
Il répond qu’il est trop tard pour le petit déjeuner, qu’il va faire à manger. Il dit :
- Va te préparer, Mamé, la salle de bain te tend les bras !
Elle sourit et elle y va.

Il inspecte le frigo. Le rangement est pour le moins approximatif. Comme toujours il commence par trier. Jette ce qui est périmé. Elle ne le fait plus. Il casse des œufs, ouvre une boîte de champignons. Et une omelette, une !

Il est venu lui dire :
- J’ai embauché une aide à domicile.
Il est inquiet. Il ne veut plus la laisser seule aussi longtemps. Mamé et lui, c’est une grande histoire. Il n’a jamais connu son père. Il a grandi avec sa mère. Petit appartement parisien. La maison des grands parents était presque SA maison. Papé était mort assez jeune. Quand sa mère était partie travailler au japon, ils étaient restés tous les deux. Mamé et lui.

Ça fait deux ans maintenant que l’état de Mamé s’aggrave. Ça a commencé par la cuisine, justement. Elle ne voulait plus l’inviter à manger. Elle n’arrivait plus à préparer ses légendaires repas. Trop compliqué. Insurmontable. Maintenant elle oublie de plus en plus de choses. Se perd dans le temps. Réagit parfois bizarrement. Ne sait plus utiliser certains appareils de sa maison.

Il n’a pas eu besoin du médecin pour comprendre que ça irait en empirant. Intuition de petit-fils. Il a appelé sa mère. Elle a proposé de revenir vivre en France. Il a dit qu’il pouvait gérer.

Elle sort de la salle de bain. L’habillement est approximatif, mais elle est présentable. Il la trouve belle. Ils s’installent à table.

Il passe tous les deux jours. Il déteste plus que tout qu’on lui dise que sa grand-mère « perd la tête ». Rien ne se perd, c’est connu. Ce qu’elle peut dire, ce qu’elle peut donner à voir et transmettre, s’effiloche petit à petit. Oui. Mais ça reste Mamé. Il fera tout ce qu’il peut pour qu’elle soit portée, aidée. Pour que la trame de ses savoirs, de ses souvenirs, de tout ce qui la fait femme, ne s’éparpille pas trop vite. Et pour que, lorsque des flocons s’en évaporeront, elle soit accompagnée pas à pas.

Il sera là. Il sait que c’est essentiel. Il sait aussi que ça ne suffit pas.

Bref.
Il a besoin d’un orthophoniste.

Décret numéro 2002 721 du 2 mai 2002 relatif aux actes professionnels et à l'exercice de la profession d'orthophoniste
Art. 3. L'orthophoniste est habilité à accomplir les actes suivants: le maintien et l'adaptation des fonctions de communication dans les lésions dégénératives du vieillissement cérébral.