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Ce blog est né du désir de mieux faire connaître la profession d'orthophoniste. Merci de votre passage !

jeudi 15 décembre 2011

Elle enlève ses lunettes


Bref.

Elle enlève ses lunettes. Elle se frotte les yeux. Ça l’agace, bon sang, ça l’agace ! Lire est son plaisir suprême. Ça fait plus de cinquante ans que ça dure. C’est encore plus flagrant depuis qu’elle est veuve. Mais depuis quelques temps, elle n’y voit plus. Elle n’arrive plus à lire. L’ophtalmo lui soutient que sa vue est stable. Cette bonne blague.

Elle se frotte les yeux.

Elle s’est installée confortablement, dans son fauteuil. Un vieux crapaud hors d’âge. Entre la petite table à ouvrage –bien longtemps qu’elle ne coud plus, mais elle est jolie- et la bibliothèque. Sous le portrait de l’aïeul. Parfaitement démodé, soit dit en passant. Le portrait, s’entend. L’aïeul ne se pose plus la question d’être à la mode depuis bien longtemps. Là où il est, ça importe peu.

Elle regarde autour d’elle. Elle n’a pas l’impression de voir plus mal. L’ophtalmo marque un point. Elle regarde son livre. Impossible de lire distinctement. Ça l’agace. Elle l’a déjà dit ? Et bien elle va le redire. Ça l’agace ! Sa carcasse vieillit, il faut croire. Pas grand-chose à y faire. Mais la vue, c’est un sale coup. Elle a combattu vaillamment un cancer, quelques années avant. A accepté de ne plus pouvoir manger comme elle veut. De manquer de mobilité. D’être plus fatigable.  

Mais ne plus pouvoir lire, pour elle, c’est vraiment un sale truc. Vraiment. Du genre Mozart qu’on assassine. Ou Zola. Enfin quelque chose du genre.

Bref.
Ça l’agace.

Elle songe à ce déjeuner, dimanche dernier. Autour de la table, il y avait son fils et sa belle-fille. A un moment elle a dit :
-          Attention, Paule, vous allez tâcher la nappe.

Sa belle-fille l’a regardée. Elle a précisé :
-          Il y a une goutte de café au bord de la verseuse.
Paule a répondu en riant :
-          Votre vue n’est pas si mauvaise que ça, Jeanne !
Sa table est immense. Ça l’a troublée. Paule a dit vrai. Pour distinguer cette goutte de café en train de tomber, il faut incontestablement de bons yeux. Mais enfin, deux heures plus tôt, elle avait sorti du placard une boîte de petits pois au lieu des champignons. Incapable de distinguer les deux. C’est incompréhensible !

Elle pose son livre. Elle ne peut pas lire. Elle allume la télé. Elle sait déjà qu’il n’y aura rien d’intéressant. Ça l’agace. Encore et toujours.

Elle repense au neurologue. Scanner du cerveau, il y a deux mois. Elle était si fatiguée. Il avait dit :
-          Il y a plusieurs traces d’accidents vasculaires cérébraux anciens. Petits. Ils ont dû passer inaperçus sur le moment.

Il avait ajouté :
-          Vous n’êtes gênée pour rien, dans votre quotidien ?
Elle avait répondu par la négative.

Vraiment pénible, la télé. Elle se dit qu’elle devrait retourner demander conseil au neurologue. S’il y a quelque chose à faire, pour la lecture, elle est preneuse.

Bref.
Elle a besoin d’un orthophoniste.

Décret numéro 2002 721 du 2 mai 2002 relatif aux actes professionnels et à l'exercice de la profession d'orthophoniste:
Art3: L'orthophoniste est habilité à accomplir les actes suivants: la rééducation des fonctions du langage oral ou écrit liées à des lésions cérébrales localisées (aphasie, alexie, agnosie, agraphie, acalculie)