Bref.
Elle n’aime pas ça. Pas ça du tout. Ça lui rappelle des souvenirs. Pas
très bons. Elle est inquiète. Son petit bonhomme bute pas mal sur les mots, en ce moment. Il hésite, ça ne sort pas, il s’y reprend. Le mot lui fait peur, mais il bégaye. Incontestablement.
Hier elle a demandé à son mari :
-
Tu as remarqué que Thomas bégaye ?
Il a répondu :
-
Tu ne crois pas que tu en rajoutes un peu ?
Il cherche ses mots, parfois, oui. Mais pas tout le temps. Et puis il les
trouve. Je n’ai pas l’impression que ça soit grave.
Il est ressorti dans le jardin. Les plans de tomates à repiquer. Il n’avait pas encore fini, il paraît. Elle a repris son montage de meuble. Une bibliothèque pour le salon. Elle s’est mordu la lèvre. Son mari a dit ça calmement, sans sous-entendu. Il n’a pas haussé les épaules, genre « qu’est-ce que tu inventes encore, espèce de maman poule ». Non. Il a entendu la question. Réfléchi cinq secondes. Et répondu posément. Donc il n’est vraiment pas inquiet.
Elle se demande pourquoi la planche A est plus courte que la planche B. Elle n’y comprend rien, à cette notice.
Elle en a parlé au pédiatre, la semaine dernière. Il a dit :
-
A quatre ans et demi, c’est un passage possible.
Ne vous tracassez pas.
Et puis il est passé à autre chose. Elle n’a pas osé dire que si, justement, elle se tracassait. Pas mal. Beaucoup. Enormément. C’est qu’elle a un frère bègue. Il est grand maintenant. Il a plutôt bien surmonté ce handicap. Il a un chouette boulot. Une belle petite famille. Mais ce fut un long chemin. Très long. Psychothérapie et orthophonie. Longtemps. Elle ne se rappelle plus à quel moment ça avait commencé. Elle n’ose pas l’appeler. Ils ne sont plus très proches.
Elle se dit qu’il y a peut-être un risque familial. Sa fille n’a pas fait ça. Elle est plus grande maintenant. Mais Thomas est un garçon. Comme son frère. Hasard ? Elle n’en sait rien. Elle a la trouille, simplement.
Sa copine Alexandra n’arrête pas de lui répéter :
-
Tom a fait pareil au même âge. Ça lui est passé
tout seul. Ne t’en fais pas autant !
Elle était à deux doigts de se laisser convaincre. Tom est un garçon, Il a buté sur les mots étant petit, il n’est pas bègue. CQFD ? Mais Alexandra a rajouté :
-
Tu vas finir par le rendre vraiment bègue, à te
faire des nœuds au cerveau !
Merci les copines. Dans le genre commentaire qui tue, ça se pose là. Elle sait bien que c’était pour tenter de faire de l’humour. Dédramatiser. C’est juste totalement raté.
Plus le temps passe, et plus elle se dit qu’elle aurait besoin de l’avis d’un spécialiste. Pour être rassurée, si l’avis est rassurant. Pour être fixée, s’il ne l’est pas. Pour être entendue, et éventuellement guidée, en tout cas.
Bref.
Elle a besoin d’un orthophoniste.
Art3: L'orthophoniste est habilité à accomplir les actes
suivants: la rééducation des troubles de l'articulation, de la parole ou du
langage oral (dysphasies. bégaiements)